Pour la deuxième année consécutive, l’association des entrepreneurs des sciences de la vie, France Biotech organise les French Life Sciences Days. La manifestation, qui débute demain à New York, accueille 18 entreprises françaises cotées des secteurs biotech, medtech et cleantech, qui présentent leur parcours, leurs plate-formes et leurs projets de développement à un parterre d’investisseurs nord-américains spécialisés (1). Entretien avec Pierre-Olivier Goineau, président de France Biotech.
BioPharmAnalyses : La biotech française a le vent en poupe. A l’approche de la deuxième édition des French Life Science Days à New York, quels sont aujourd’hui les principaux attraits des sociétés de biotechnologie françaises pour les investisseurs américains ?
Pierre-Olivier Goineau, président de France Biotech (photo) : Deux caractéristiques fortes peuvent motiver l’intérêt des investisseurs américains pour nos sociétés françaises. Le premier point fondamental est de disposer d’une « bonne science » quel qu’en soit le niveau de démonstration (préclinique, clinique, produits déjà mis sur le marché) et nos sociétés françaises n’ont pas à rougir lorsqu’on compare leur niveau scientifique à celui de leurs homologues américaines. Ensuite, les investisseurs américains doivent avoir la certitude que ces entreprises ont des innovations de classe mondiale qui justifient leur engagement.
Le deuxième point relève davantage de l’opportunité. Le différentiel de valorisation entre nos sociétés cotées à Paris et les sociétés de même niveau d’avancement cotées aux Etats-Unis est extrêmement important. Les marchés étant mondiaux, lorsqu’une big pharma conclut un accord avec une société, elle la regarde de la même manière que celle-ci soit d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique. Les investisseurs américains y voient donc un potentiel de valorisation et de rattrapage conséquent. C’est pour cette raison qu’ils se positionnent, à condition, bien sûr, que la preuve scientifique, préclinique, clinique ou de marché, soit effectivement là.
BioPharmAnalyses : Combien d’investisseurs étaient présents l’année dernière pour la première édition et combien doivent venir cette année ?
Pierre-Olivier Goineau : Une cinquantaine d’investisseurs étaient présents l’année dernière et les 19 entreprises présentes avaient pu bénéficier de l’organisation de 70 rendez-vous personnels avec eux. Cette année, près d’une soixantaine sont déjà enregistrés et nous continuons à recevoir des inscriptions. L’objectif est d’atteindre un minimum de 100 rendez-vous avec les investisseurs américains, sachant que ceux-ci disposeront à l’avance de toute la documentation concernant nos sociétés françaises.
BioPharmAnalyses : Quel est le profil des 18 entreprises qui participent à cette deuxième édition des French Life Sciences Days ?
Pierre-Olivier Goineau : Les sociétés que nous emmenont cette année ont des historiques boursiers assez variés. Certaines d’entre elles ont un parcours boursier déjà assez ancien, à l’image d’Onxeo ou de Valneva. D’autres ont un parcours plus récent, comme Adocia, Erytech Pharma, Genticel, Theradiag ou TxCell, ou viennent même tout juste de s’introduire en Bourse dans le cas d’OSE Pharma et de Sensorion. Certaines ont déjà été identifiées par des investisseurs américains qui sont maintenant présents dans leur capital, mais pour d’autres il s’agira des touts premiers, voire du premier contact, avec eux. C’est ce qui est intéressant dans le concept des French Life Sciences Days. Nous sommes tous ensemble, comme l’année dernière, pour montrer la richesse et la diversité de nos sociétés. Il est aussi intéressant de voir que la moitié du panel des entreprises participantes est différent de celui de l’année dernière et les investisseurs américains vont avoir la possibilité de rencontrer un panel extrêmement diversifié de sociétés ayant toutes des technologies très différentes, depuis le dispositif médical implantable jusqu’à des projets déjà avancés en clinique.
BioPharmAnalyses : Comment expliquez-vous cet intérêt croissant des investisseurs américains pour les French Life Science Days ?
Pierre-Olivier Goineau : Il faut regarder la performance des sociétés françaises présentes à la première édition. Certaines avaient pris des engagements en termes de performances opérationnelles, avec des prévisions d’annonces de résultats et ces promesses ont été tenues. En même temps, ces sociétés ont pris de la valeur et leur visibilité financière s’est améliorée. Leurs dirigeants ont aussi montré leur professionnalisme avec des communications régulières et une information transparente délivrée aux marchés sur leurs évolutions. Ces éléments sont capitaux pour les investisseurs américains qui ont également vu nos sociétés présenter des résultats dans les congrès scientifiques. Il y a ainsi un facteur de confiance qui s’instaure et dans le domaine de la finance, la confiance est un élément clé.
BioPharmAnalyses : Comment envisagez-vous l’avenir des French Life Science Days ?
Pierre-Olivier Goineau : En deux ans, nous avons déjà renouvelé pour moitié les sociétés venues se présenter lors des French Life Science Days. Je vois là un bon moyen d’instaurer un rendez-vous régulier avec les investisseurs américains et de les fidéliser en leur donnant cette possibilité de voir la diversité et la richesse des entreprises françaises. Le principe est d’avoir un rendez-vous annuel de même format avec non seulement, des sociétés à différents stades d’évolution dans leur parcours boursier, qu’elles soient connues et identifiées ou non par les investisseurs américains, mais aussi des courtiers, des avocats, des communicants, des auditeurs afin de permettre à ces fonds de s’informer sur le fonctionnement de l’écosystème boursier français. Cette année, EnterNext est partenaire de l’opération pour expliquer aux investisseurs américains qu’ils peuvent investir dans nos sociétés en toute sécurité et avec des règles du jeu transparentes grâce à Euronext, qui est devenue la première place boursière européenne pour le secteur biotech et medtech.
BioPharmAnalyses : Les sociétés de capital-risque du Vieux Continent ont longtemps déploré l’absence d’une réelle place de marché européenne. Pensez-vous qu’aujourd’hui Paris soit en train de jouer ce rôle ?
Pierre-Olivier Goineau : Oui, Euronext, au sens large, et Paris, en particulier, sont en train de prendre cette place en Europe de manière assez spectaculaire. Londres a disparu des radars et l’Allemagne et la Suisse sont peu actives. Maintenant que la place parisienne a pris ce leadership en Europe, il nous faut le consolider et montrer aux investisseurs européens et américains que nos sociétés offrent de belles opportunités. Avec les fonds américains, la façon de faire reste toujours la même. Il faut aller sur place, revenir sans cesse et se présenter avec des démarches construites et sérieuses, des rendez-vous d’affaires très professionnels.
BioPharmAnalyses : Quelle serait pour vous la marque de la réussite de la deuxième édition des French Life Science Days ?
Pierre-Olivier Goineau : La question est difficile car les sociétés présentes ne sont pas toutes au même niveau de développement. La réussite serait que les entreprises et les fonds nous demandent une troisième édition puisque notre volonté est vraiment de nous inscrire dans la durée. Une autre marque de succès serait de voir, dans les mois à venir, que des acteurs et des investisseurs américains continuent à investir dans nos sociétés et prennent le relais des capitaux-risqueurs français qui ont financé nos phases plus précoces et pourraient ainsi réaliser de belles plus-values. C’est de cette manière qu’un cercle vertueux s’instaure.
BioPharmAnalyses : Cette situation pourrait-elle aussi contribuer à « doper » les capitaux risqueurs français dont le nombre s’est fortement réduit aujourd’hui ?
Pierre-Olivier Goineau : Il est certain qu’il est important pour les capitaux risqueurs français de réaliser des plus-values grâce au relais que peuvent prendre les investisseurs américains. Cet argent pourrait leur permettre de dégager des taux de rendements sur leurs investissements et d’attirer ainsi d’autres investisseurs sur leurs fonds, ce qui leur ouvrirait la possibilité de réinvestir ces sommes dans notre secteur. C’est d’autant plus un élément clé qu’avant la réouverture des marchés boursiers pour notre secteur, leur seule solution était de vendre leur participation, souvent de manière précoce, et finalement, de pousser les start-up dans les bras des grands groupes, parfois contre la volonté des dirigeants. Maintenant que les marchés financiers nous sont plus ouverts, nous pouvons envisager des stratégies de plus long terme pour construire les ETI qui nous manquent en France.
Propos recueillis par Anne-Lise Berthier
Rédactrice en chef de BioPharmAnalyses
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(1) Les 18 sociétés présentes cette année aux French Life Science Days sont Adocia, Bone Therapeutics, Carbios, Crossject, Diaxonhit, Erytech Pharma, Genticel, Genomic Vision, Implanet, Olmix, Onxeo, OSE Pharma, Pixium Vision, Quantum Genomics, Sensorion, Theradiag, TxCell et Valneva. Les partenaires français qui les accompagnent sont les banques d’investissement Bryan Garnier et Invest Securities, EnterNext, filiale d’Euronext dédiée à la promotion et au développement de ses marchés boursiers propres aux PME-ETI, le cabinet d’avocats Jones Day, le cabinet d’audit Mazars, l’agence de relations investisseurs et de communication financière NewCap et l’agence américaine de communication stratégique spécialisée en santé The Ruth Group.
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