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Biotechnologies : comment libérer la valeur ? – Rapport EY 2014
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Biotechnologies : comment libérer la valeur ? – Rapport EY 2014

Dans son dernier rapport annuel « Beyond Borders – Unlocking value », EY souligne que 2013 a été une année de rebond pour une industrie des biotechnologies devenue aujourd’hui un des principaux pourvoyeurs de nouveaux médicaments. L’analyse des résultats des entreprises situées dans les régions majeures de la biotech (États-Unis, Europe, Canada et Australie) montre une augmentation globale du chiffre d’affaires de 10 %, à 98,8 milliards de dollars en 2013, avec une baisse de 15 % du bénéfice net à 4,3 milliards de $.

Le moteur de l’industrie des biotech reste clairement ancré aux Etats-Unis. Avec un résultat de 71,9 milliards (+13 %) et un bénéfice de 2,6 milliards de dollars (- 42 %), les sociétés américaines prédominent. Elles réalisent 72,7 % du CA et 60 % du bénéfice de la biotech mondiale. Cette progression reste majoritairement à inscrire au crédit de 17 sociétés américaines dont les revenus annuels dépassent 500 millions de $. Celles-ci ont réalisé un CA de 61,8 milliards (+15%), soit 62,2 % du CA de la biotech mondiale, tandis que leurs bénéfices atteignent 12,9 milliards (+7 %). En Europe, le CA s’établit à 20,95 milliards (+ 3 %) pour des bénéfices nets qui excèdent maintenant pour la première fois le milliard de $ (+ 462 %), en particulier grâce aux résultats positifs des 84 sociétés européennes cotées en bourse. Ici la progression est spectaculaire après un résultat de 184 millions de $ en 2012 et surtout une perte qui s’établissait encore à 459 millions de $ en 2010. En matière de R&D, les dépenses, à 29,1 milliards de $ en 2013, repartent à la hausse et leur croissance excède celle du chiffre d’affaires pour la première fois depuis le début de la crise financière. Ici encore, la progression, qui atteint 14 %, émane essentiellement des Etats-Unis (+20 %), à 23,3 milliards de $). Parallèlement, la dépense européenne affiche un recul de 4 % pour s’élever à 4,8 milliards de dollars.

Cinquante introductions en Bourse en 2013

Dans le domaine du financement, la Bourse, qui, depuis 2008, était devenue un « deuxième choix » pour l’industrie biotech, retrouve plus qu’un rôle de relais du capital-risque et reprend une place privilégiée. Cinquante sociétés se sont ainsi introduites en Bourse en 2013 et ont levé 3,5 milliards de $ (+ 300 %), soit le total le plus élevé sur un an depuis 2000. Aux Etats-Unis, la capitalisation boursière des sociétés a augmenté de 75 % en 2013, tandis qu’en Europe, elle progressait de 44 %. Du côté du capital-risque, l’ordre du jour est à la stabilisation, avec 5,8 milliards de $ levés en 2013, contre 5,3 milliards en 2012. Enfin, le nombre de fusions-acquisitions a progressé en 2013, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. De l’autre côté de l’Atlantique, 41 transactions ont été pour un total de 28,6 milliards de $ (+ 16 %) tandis que l’Europe a réalisé son meilleur résultat depuis 2007, avec 21 transactions pour un total de 19,6 milliards de dollars (+ 487 %). Une progression dont EY souligne qu’elle est « supérieure aux cinq années précédentes combinées ». Parmi les transactions importantes intervenues en 2013, on relèvera notamment les dix millards de $ consacrés par Amgen au rachat de son compatriote Onyx Pharmaceuticals, les deux milliards investis par Bayer pour acquérir le norvégien Algeta ou encore le milliard de $ dédié par l’irlandais Jazz Pharmaceuticals au rachat de l’italien Gentium.

Essais cliniques adaptatifs, médecine stratifiée et collaboration préconcurrentielle

Si ces différentes analyses dressent le tableau d’une situation en nette amélioration, EY reste néanmoins prudent et incite l’industrie biotech à « concentrer ses efforts sur le développement de nouveaux médicaments ». Alors que le cabinet de conseil international relève que « la croissance observée reste le fait d’un petit groupe de sociétés en phase commerciale », il souligne la nécessité pour les sociétés du secteur d’« une stratégie d’allocation efficace de leur capital dans leurs investissements de R&D ». Longtemps considérée comme un préoccupation plutôt réservée à l’industrie pharmaceutique, la question de l’accès au marché est à nouveau mise en avant par EY et doit aussi être de plus en plus intégrée dans la stratégie des sociétés biotech, qui doivent prendre en compte les attentes de payeurs aux ressources de plus en plus contraintes. Dans ce contexte qui requiert la mise au point de médicaments non seulement efficaces, mais aussi dotés d’une efficacité supérieure aux traitements de référence, EY identifie trois voies pour que la R&D soit un levier de création de valeur. Son étude met ainsi l’accent sur le retard des sociétés biotech dans le domaine des essais cliniques adaptatifs, qui restent encore en majorité le fait de l’industrie pharmaceutique. Alors que ceux-ci ouvrent la possibilité d’intégrer les acquis d’une étude pour la modifier sans en compromettre la validité, l’étude souligne leur intérêt pour les sociétés biotech qui, grâce au design adaptatif, peuvent « affiner leurs hypothèses et réallouer les fonds consacrés à la R&D en temps réel sur la base des données générées dans la phase clinique ». Deuxième voie privilégiée par EY : la médecine de précision ou médecine stratifiée, avec le développement des biomarqueurs et des thérapies ciblées. Ici, l’objectif est d’identifier les sous-groupes de patients les plus susceptibles de bénéficier d’un traitement par une molécule donnée. Outre son intérêt pour réduire les risques liés au développement de médicaments, EY estime que cette médecine apporte « davantage de certitude dans les accords de partage de risque avec les payeurs ou avec des partenaires stratégiques ». Il existe ici manifestement une fenêtre encore insuffisamment exploitée par la biotech, avec seulement une centaine de biomarqueurs couramment utilisés en soins cliniques, quand les dernières estimations publiées fin mai par Frost & Sullivan évaluent le marché européen des diagnostics compagnons à 1,295 milliard de $ en 2018. Ce marché chiffré à 457 millions en 2013 devrait en particulier bénéficier de la réglementation européenne sur les produits de diagnostic in vitro, qui permet d’apposer le marquage CE sous la responsabilité du fabricant, ce dernier devant en contrepartie soumettre ses dispositifs à une procédure d’évaluation de conformité aux exigences décrites dans les directives européennes. Enfin, la troisième voie mise en avant par EY est celle de la collaboration pré-concurrentielle, l’objectif étant de mutualiser entre plusieurs groupes et sociétés les ressources nécessaires pour résoudre des difficultés communes à l’image de l’Initiative Médicaments Innovants (IMI). Initiée en 2008 en Europe entre l’industrie pharmaceutique et la Commission européenne, l’IMI vient d’entrer dans sa deuxième phase et propose, à travers des partenariats public-privé positionnés à un stade pré-compétitif, à des acteurs des grands groupes pharmaceutiques, des PME et de la recherche académique de collaborer et de mutualiser leurs ressources au sein de consortia dédiés à la résolution de problèmes et d’obstacles communs (identification de cibles thérapeutiques, développement de méthodes de prédiction de l’efficacité et de la toxicité de médicaments…).

Anne-Lise Berthier

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