Publication du décret relatif aux médicaments de thérapie innovante
En dépit d’une conjoncture économique morose, le spécialiste français de la nanomédecine, Nanobiotix saute le pas et tente de s’introduire en bourse. Son objectif ? Financer le développement de son produit NBTXR3, au potentiel prometteur, jusqu’à son arrivée sur le marché européen prévue en 2017.
La start-up française Nanobiotix a annoncé son intention de s’introduire en bourse, sur NYSE Euronext, afin de devenir plus visible. Depuis sa création en 2003, à partir d’un spin-off de l’université d’état de New-York, la société, qui emploie trente personnes, a déjà levé 27 millions d’euros auprès de sociétés de capital-risque. Elle souhaite aujourd’hui lever 9 à 11 millions d’euros supplémentaires, avec un prix par action compris entre 5,04 et 6,16 euros. L’opération, qui consiste en une émission de titres nouveaux, a démarré jeudi dernier. Résultat des courses le 22 octobre…
Effet radio-amplificateur de NanoXray
Nanobiotix, spécialisée dans la nanomédecine dédiée au cancer, développe la technologie « NanoXray », reposant sur l’utilisation de la nanoparticule HfO2 (cristaux d’oxyde d’hafnium) qui, injectée dans la tumeur, multiplie par neuf les effets de la radiothérapie en absorbant les rayons X, sans altérer les tissus sains environnants. Jean-Michel Vannetzel, cancérologue radiothérapeute, explique que la cellule dans laquelle la nanoparticule aura été injectée « le vivra comme si la quantité de rayons était plus forte, simplement parce que la nanoparticule qu’elle contient va renvoyer la radiothérapie d’une manière extrêmement amplifiée. La nanoparticule n’est pas un radio-sensibilisateur mais constitue, pour la première fois dans l’histoire de la cancérologie, un radio-amplificateur. C’est comme si vous augmentiez la quantité de rayons, mais seulement en direction des cellules qui ont absorbé la nanoparticule ». Il ajoute qu’on est « dans un monde totalement différent de celui du développement d’un médicament » : il n’y a pas de problèmes de pharmacocinétique dans la mesure où « l’effet physique, connu et démontré, est reproduit seulement à l’endroit où on injecte le produit ».
Premiers résultats cliniques fin 2012
Le pipeline de Nanobiotix contient trois molécules utilisant la technologie NanoXray, protégées jusqu’en 2029 par six familles de brevets. Après des résultats pré-cliniques très prometteurs, le premier produit de la gamme, NBTXR3, est actuellement en cours d’essais cliniques à l’IGR (Institut Gustave Roussy), pour le traitement du sarcome des tissus mous : les premiers résultats, destinés à évaluer la tolérance et la faisabilité de l’injection du produit ainsi que la réponse tumorale, sont attendus d’ici la fin de l’année. Pour la suite, un business model précis a été établi. En Europe, Nanobiotix entend ainsi poursuivre seul le développement de NBTXR3 jusqu’à son arrivée sur le marché, prévue en 2017, dans le cancer de la tête et du cou. D’où le souhait d’entrer en bourse. Laurent Levy, pdg et co-fondateur de Nanobiotix, explique en effet que la société « veut se concentrer sur l’Europe et faire financer le développement européen de ce produit par le marché ». Il estime pouvoir aller « avec un temps raisonnable et des coûts raisonnables sur le marché ». NBTXR3 est en effet considéré en Europe comme un dispositif médical et suivra donc les étapes de développement de ce type de produits (phase pilote sur 20 à 40 patients, suivie d’une phase pivot sur 200 à 400 patients). L’accès au marché devrait s’en trouvé simplifié.
Dans les autres régions de monde, la société compte en revanche s’appuyer sur des partenariats : pour la région Asie-Pacifique, un accord avec le laboratoire pharmaceutique taiwanais PharmaEngine, spécialisé dans l’oncologie, a été signé l’été dernier. Nanobiotix a reçu un million de dollars à la signature du contrat et pourrait percevoir jusqu’à 56 millions supplémentaires. Les indications développées dans cette zone concernent le cancer du foie, de la prostate et le cancer colorectal. PharmaEngine s’est engagé à réaliser au minimum trois essais de phase I et deux de phase II. Pour le marché nord-américain, Nanobiotix compte s’appuyer sur un autre partenaire, qui reste à trouver.
Un marché prometteur
NanoXray a un potentiel incontestablement élevé, avec environ un million de patients concernés aux Etats-Unis, au Japon et dans le Top 5 européen (et même deux millions en ajoutant les BRIC). NBTXR3 (délivré par injection intra-tumorale) pourrait ainsi concerner quelque 256 000 patients dans le sarcome des tissus mous et les cancers de l’œsophage, du colon, du foie, de la tête et du cou, de la prostate ou le glioblastome. Les deux autres produits, NBTX-IV (injection intraveineuse) et NBTX-TOPO (gel déposé dans la cavité tumorale) visent quant à eux le traitement des cancers du sein, de la prostate, du poumon non à petites cellules, de la tête et du cou, ainsi que les métastases vertébrales et cérébrales et le cancer cervical, soit plus de 690 000 patients.
Tous ces produits s’adressent à un marché déjà structuré : celui des patients traités par radiothérapie, soit 50 à 60 % des personnes souffrant d’un cancer, selon l’OMS. Autre point positif : l’utilisation est simple, reposant sur une injection unique avant la première séance de radiothérapie ; le parcours de soins du malade n’est donc pas bouleversé. Pour les analystes de Gilbert Dupont, la technologie développée par Nanobiotix se trouve à la croisée de deux marchés porteurs : la nanomédecine, qui a atteint 2,7 milliards de dollars en 2010 et dont le potentiel est estimé à 170 milliards de dollars en 2015, et l’oncologie, un segment également en croissance du fait d’une prévalence en hausse et de l’arrivée de nouveaux traitements. Pour le seul NBTXR3, les analystes tablent sur un chiffre d’affaires potentiel de 37 millions d’euros dès 2017 (dont 34,5 millions en Europe) et de 520 millions d’euros 10 ans plus tard (dont 370 millions en Europe)…
Valérie Moulle
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