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Biomarqueurs au coeur du développement biopharmaceutique
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Biomarqueurs au coeur du développement biopharmaceutique

Au moment où Montpellier s’apprête à accueillir la deuxième édition de la convention internationale sur le diagnostic et la médecine personnalisée, EIC 2012, organisée par Euromediag, l’actualité récente démontre le dynamisme du secteur des biomarqueurs et l’intérêt qu’il suscite tant chez les industriels de la pharma et du diagnostic que dans le monde des investisseurs, des prestataires et de l’instrumentation. Voici quelques jours, le spécialiste belge du diagnostic moléculaire MDxHealth est parvenu à lever dix millions d’euros pour soutenir le lancement commercial aux Etats-Unis de son test ConfirmMDx™, test de diagnostic épigénétique pour le cancer de la prostate. Ces fonds contribueront notamment à développer ses équipes commerciales et à financer le fonctionnement et la montée en puissance de son laboratoire californien d’Irvine. Ce dernier a obtenu au début de l’année la certification CLIA (Clinical Laboratory Improvements Amendments) qui régit les normes de qualité pour les analyses de laboratoires aux Etats-Unis. Outre ce sésame indispensable outre-Atlantique, MDxHealth s’est aussi assuré il y a quelques semaines le soutien d’une société de pathologie anatomique, PLUS Diagnostics et de son réseau d’urologues pour la promotion du test ConfirmMDx™.

Deux nouvelles sociétés : Neviah Genomics et Oxford Cancer Biomarkers

La société belge est également en cours de discussion avec Merck Serono pour une nouvelle extension de leur collaboration sur son test MGMT, test prédictif pour le traitement des tumeurs cérébrales (1). Les deux partenaires avaient déjà signé voici un an un accord permettant au groupe allemand d’utiliser ce test pour la stratification des patients devant être inclus dans son étude de phase 3 avec son candidat au traitement du glioblastome (forme grave de tumeur cérébrale), le cilengitide. Par ailleurs, si Merck Serono fait déjà figure de pionnier de la médecine personnalisée avec sa thérapie ciblée Erbitux® (cetuximab), il vient de confirmer une nouvelle fois l’importance qu’il accorde aux différentes applications des biomarqueurs avec la création de Neviah Genomics en Israël. Portée sur les fonts baptismaux par le fonds corporate du groupe allemand, Merck Serono Ventures, et par la société israélienne de drug discovery Compugen, Neviah Genomics va se consacrer au développement de biomarqueurs permettant d’évaluer la toxicité des médicaments. La société recevra le soutien d’une initiative lancée par Merck Serono Ventures, le Merck Serono Israel BioIncubator Fund. Avec ce programme crédité d’un budget de dix millions d’euros jusqu’en 2018, il s’agit de faciliter le transfert de la recherche académique vers l’industrie en proposant aux start-up un financement d’amorçage et l’accès à des laboratoires dédiés au sein d’Inter-Lab, le centre israélien de R&D de Merck Serono à Yavné. Côté technique, Neviah Genomics pourra s’appuyer sur les plate-formes de découverte de Compugen, en particulier sur ses plate-formes de prédiction in silico, pour la mise au point de tests de diagnostic toxicogénomique.

Autre création récente démontrant l’intérêt des grands acteurs du monde biopharmaceutique pour les potentialités des biomarqueurs, celle d’Oxford Cancer Biomarkers. Cette spin-off de l’université d’Oxford a vu le jour au début de l’année avec le soutien d’une des plus grandes CRO mondiales, Quintiles devenu son actionnaire majoritaire. Ici, la nouvelle société a vocation à exercer à la fois des prestations de conseil et une activité de développement de nouveaux biomarqueurs et  de diagnostics compagnons dans le domaine du cancer. Pour ce faire, Oxford Cancer Biomarkers dispose de deux plate-formes technologiques (protéines et ADN) à partir desquelles la société met au point des kits permettant de mesurer la présence du biomarqueur d’intérêt directement dans une biopsie tumorale ou dans l’ADN du patient. Parmi les tests en cours de développement, figurent notamment des diagnostics compagnons pour deux catégories assez récentes de thérapies ciblées, les inhibiteurs d’histone déacétylase et les inhibiteurs du protéasome (2).

Toujours le cancer en pointe…

Depuis le début de l’année, la thématique biomarqueurs et/ou diagnostic compagnon a ainsi été au coeur de près d’une vingtaine d’accords impliquant au moins un acteur biopharmaceutique européen. Sur l’ensemble de ces accords, près de la moitié concerne le cancer qui reste l’axe thérapeutique prédominant dans le domaine des biomarqueurs. On relèvera notamment l’accord intervenu au début de l’année entre Sanofi et la Foundation Medicine pour l’identification de biomarqueurs génétiques et de diagnostics compagnons destinés à être associés à des médicaments anticancéreux (non cités) en cours de développement au sein du groupe français. Quant au néerlandais Qiagen, déjà partenaire des principaux laboratoires pharmaceutiques du top 10, le premier semestre écoulé lui a permis d’élargir son portefeuille de biomarqueurs avec l’acquisition auprès de l’américain Personal Genome Diagnostic des droits exclusifs pour le test des mutations de deux gènes (gènes IDH1 et IDH2) et la signature avec Insight Genetics d’un accord pour le développement d’un diagnostic compagnon basé sur le biomarqueur ALK (anaplastic lymphoma kinase). Alors que des remaniements du gène ALK sont notamment impliqués dans le cancer du poumon non à petites cellules, ce même biomarqueur est au coeur de l’accord signé au début de l’année par Pfizer avec Ventana, membre du groupe Roche. Il s’agit ici de mettre au point un test standardisé et automatisé permettant d’identifier les patients atteints d’un cancer des poumons non à petites cellules susceptibles de bénéficier d’un traitement avec le seul inhibiteur d’ALK commercialisé actuellement, Xalkori® (crizotinib) de Pfizer. A l’instar de Qiagen, Ventana a lui aussi profité du semestre écoulé pour étoffer son portefeuille. Un accord de licence a ainsi été conclu avec plusieurs instituts de recherche allemands afin d’élargir son panel d’anticorps pour la détection des mutations de la protéine BRAF tandis qu’un accord intervenu avec l’américain Gen-Probe lui permet d’acquérir des droits mondiaux pour la mesure de l’oncogène ERG associé à certaines formes de cancer de la prostate. Enfin, la recherche de biomarqueurs permettant d’identifier les cellules tumorales circulantes a fait l’objet en février dernier d’un accord entre la société britannique de diagnostic Parsortix et le Paterson Institute for Cancer Research.

Mais aussi la maladie d’Alzheimer, l’immunologie, les fibroses, le diabète…

Autre poids lourd confirmant son intéret pour les biomarqueurs, l’américain GE Healthcare vient de s’associer à un institut de recherche finlandais pour l’identification et le développement de biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer. Il s’agit ici de valider une signature biochimique sérique susceptible de s’appliquer à la prédiction de la progression vers la maladie des mois, voire des années avant l’apparition de ses premiers symptômes. On notera également l’accord signé en février par UCB avec Nodality, accord qui permet au groupe belge d’appliquer la technologie propriétaire de profilage et d’identification cellulaire de l’américain (Single Cell Network Profiling (SCNP) technology) pour faciliter le développement de plusieurs de ses médicaments candidats au traitement de maladies immunologiques. Dans un deuxième temps, UCB dispose d’une option pour le développement des diagnostics compagnons par Nodality. Du côté du danois Novo Nordisk, l’accord conclu avec l’institut de rhumatologie de l’université d’Oxford relève également du domaine de l’immunologie. Ici, le partenariat vise le développement et l’identification de nouveaux médicaments et biomarqueurs pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et d’autres pathologies inflammatoires autoimmunes. Du côté de GSK, les deux accords intervenus depuis le début de l’année dans le domaine des biomarqueurs montrent un intérêt marqué pour les problèmes de fibrose. Avec son compatriote Epistem, GSK se consacre à l’identification des caractéristiques des tissus fibrotiques, tandis que son accord avec l’américain Kinemed porte sur des biomarqueurs cinétiques capables d’orienter les décisions lors des essais cliniques de médicaments candidats au traitement des fibroses et de maladies métaboliques. Dans le domaine du diabète, le suisse Roche a choisi, quant à lui de se rapprocher d’un des trois instituts hospitalo-universitaires (IHU) parisiens retenus dans le cadre du programme français Investissements d’Avenir, l’IHU ICAN de la Pitié-Salpétrière. Ce partenariat public-privé prévu pour trois ans est centré sur la compréhension des mécanismes d’apparition et de régression du diabète de type 2 chez les patients obèses ayant eu recours à la chirurgie bariatrique avec, en ligne de mire, la possibilité d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques et de nouveaux biomarqueurs dans cette pathologie.

Un nouvel outil, le CR2i

Enfin, il est à noter que cette deuxième édition de l’Euromediag International Convention (EIC 2012), organisée à Montpellier par Euromediag, groupe de travail dédié au diagnostic médical au sein du pôle de compétitivité Eurobiomed, sera l’occasion de placer sous les feux des projecteurs une autre initiative retenue par le programme Investissements d’avenir, le projet CR2i (Centre de Recherche et Innovation Industrielle) DiagnosTIC Santé. Ce projet qui s’inscrit dans le cadre de l’appel à projets Plateformes Mutualisées d’Innovation (PFMI) est une structure de services mutualisés visant à faciliter la mise en place et la réalisation de projets de R&D innovants et de rupture jusqu’à leurs applications industrielles. Avec une thématique ciblée sur la convergence entre le diagnostic, la thérapie et les technologies de l’information et de la communication (TIC), le CR2i articulera ses activités autour de trois axes majeurs, à savoir la validation clinique de biomarqueurs,  la mise au point d’outils de diagnostic près du patient et le développement d’une plateforme de supervision médicale, de pilotage et de monitoring à distance. Soutenu par le pôle de compétitivité Eurobiomed, la Région Languedoc-Roussillon, l’Agglomération de Montpellier, la DIRECCTE Languedoc-Roussillon et l’Europe, ce dernier est actuellement en phase de validation d’ingénierie auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations.

« Ce projet à forte vocation industrielle, comme en témoigne la présence des entreprises (grands groupes, PME et TPE) impliquées dans le montage du projet, a pour ambition de porter notre territoire comme la vitrine du secteur Diagnostic-TIC-Santé. Cette vitrine devra rayonner au niveau international et préparer la médecine de demain » explique Jacquie Berthe (photo), président de l’association CR2i DiagnosTIC Santé et du pôle de compétitivité Eurobiomed. Seize projets collaboratifs ayant tous vocation à aller rapidement sur le marché ont déjà répondu à un premier appel d’offre lancé par le CR2i en 2011. Six d’entre eux ont été pré-sélectionnés pour être intégrés dans la future structure. Sont déjà impliqués quelques uns des acteurs industriels majeurs d’Eurobiomed et d’Euromediag, dont Bio Rad, Sysdiag, Horiba, Optimal Medicine, CisBio ainsi que plusieurs équipes Inserm et l’EIC 2012 sera aussi l’occasion de lancer un deuxième appel à projets pour le CR2i.

Anne-Lise Berthier

Rédactrice en chef de BioPharmAnalyses

(Pour en savoir plus sur l’EIC 2012 : http://www.euromediag-convention.com/)

(1) Le test MGMT (méthyl-guanine méthyl-transférase) permet de prédire la réponse des patients à une famille de médicaments anticancéreux, les agents alkylants. Il détermine le statut de méthylation du gène MGMT dans le tissu tumoral et permet de distinguer les patients susceptibles de répondre à cette classe de médicaments la plus couramment utilisée dans les tumeurs cérébrales.

(2) Les deux classes de produits correspondent à des familles d’agents interférant avec l’expression des protéines. Dans le cas des inhibiteurs d’histone déacétylase (HDACi), deux produits sont actuellement sur le marché, Zolinza® (vorinostat) de Merck&Co et Istodax® (romidepsin) de Celgene. Ces médicaments sont autorisés respectivement depuis octobre 2006 et novembre 2009 aux Etats-Unis pour le traitement du lymphome cutané à cellules T et une demande d’autorisation est en cours d’évaluation en Europe pour le produit de Celgene. Une douzaine d’autres produits appartenant de cette classe sont également en cours de développement. Il s’agit notamment de l’entinostat du californien Syndax Pharmaceuticals pour lequel plusieurs études de phase 2 en cours dans le cancer du sein et dans le cancer des poumons et du mocétinostat du canadien Methylgene en phase 2 chez des patients atteints de lymphome diffus à grandes cellules B et de lymphome folliculaire. Du côté des européens, deux acteurs principaux travaillent sur les HDACi, le danois Topotarget dont le belinostat fait l’objet d’un programme clinique important incluant notamment le cancer des poumons non à petites cellules et plusieurs formes de lymphomes, et l’allemand 4SC dont le resminostat est notamment évalué pour le traitement de lymphomes et du carcinome hépatocellulaire.

 

 


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