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Design adaptatif : Un concept qui se prête bien aux besoins médicaux non couverts
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Design adaptatif : Un concept qui se prête bien aux besoins médicaux non couverts

Comment garantir sécurité des patients et qualité des résultats tout en accélérant le développement clinique de nouvelles thérapies ? Autrement dit, comment obtenir la même information plus vite et/ou avec moins de patients ? C’est un des objectifs des designs adaptatifs intégrant plusieurs phases (e.g. I/II ou II/III), dont Antoine Périer et François Aubin, respectivement pdg et directeur médical/méthodologie de la CRO Cardinal Systems, développent le concept suite à des expériences concluantes, avec notamment l’AMM tout récemment obtenue par Hemangiol®/Hemangeol® sur la base d’un dossier incluant un programme clinique basé sur ce concept.

Le concept de design adaptatif est né du souci d’accélérer le développement des molécules en rompant avec le côté séquentiel du plan de développement et ses notions de phase I, II, III rappelées dans les recommandations internationales ICH E8 de 1997. Néanmoins, au-delà de cet aspect séquentiel, l’ICH E8 classifie aussi les études cliniques en fonction de leur objectif, notamment de leur visée exploratoire ou confirmatoire. L’étude II/III rompt avec cette dichotomie exploratoire/confirmatoire en combinant les deux types d’objectifs au sein d’études uniques, à partir du moment où la contrainte d’enregistrement avec une seule étude pivot est respectée. Ce concept est étroitement associé à l’introduction du Food and Drug Administration Modernization Act (FDAMA) de 1997 développé dans le Critical Path de 2004. Celui-ci a pour objectif de faire évoluer les missions de la FDA et de moderniser ses procédures et sa conception des plans de développement clinique. C’est donc en fait le résultat d’un long processus où confluent d’une part, les demandes des patients soucieux d’une ré-évaluation de la gestion des risques qui les concernent, et d’autre part, les attentes d’une société américaine tournée vers la valorisation de l’innovation.

Comment peut on définir le design adaptatif ?

Avec le design adaptatif, il s’agit d’utiliser les informations et les données accumulées dans un essai pour en modifier certains aspects sans compromettre la validité de l’étude. Contrairement à une étude clinique « classique » où tout est posé à l’avance, on s’autorise à introduire des changements, tout en contrôlant l’intégrité de l’essai. L’utilisation d’un  design adaptatif et le principe d’une modification de certains aspects doivent donc avoir été validés en amont par les agences réglementaires. Les changements ainsi définis pourront ensuite être mis en œuvre en fonction des résultats d’analyses intermédiaires réalisées à des moments planifiés au préalable. Aucune étape réglementaire supplémentaire n’est nécessaire puisque l’ensemble de ces évolutions a déjà été déterminé avec les agences. Dans la pratique, le design adaptatif va permettre de modifier des caractéristiques telles que nombre de patients, possibilité de combiner deux phases dans un même essai, critères d’éligibilité dans l’essai, règles de randomisation, dose et durée du traitement, groupes de traitement (fermeture, ouverture, enrichissement), ou encore critères d’évaluation.

Quelles opportunités le design adaptatif peut-il ouvrir ? Quelles conditions faut-il remplir ?

Typiquement, le design adaptatif permet un gain de temps, et donc des économies non négligeables. Dans le cas d’une étude de phase II-III randomisée en double aveugle avec cinq groupes de traitement dont un placebo, l’analyse intermédiaire réalisée en fin de phase II peut permettre de ne  retenir qu’un ou deux groupes de traitement actif pour la phase III, l’analyse finale restant quant à elle basée à la fois sur les patients de la phase II et de la phase III. On gagne ainsi le temps nécessaire à l’analyse de la phase II, à la conception et la mise en place de la phase III, ce qui peut représenter de l’ordre de six mois à un an de développement. Dès lors qu’on dispose d’une très bonne preuve du concept avec un produit apte à répondre à un besoin médical très important, on peut envisager qu’une étude adaptative II/III puisse conduire à l’obtention d’une AMM. Ce cas de figure peut s’observer lorsqu’il existe une convergence de preuves entre les données liées à sa propre expérimentation, des publications et des données scientifiques antérieures. Toutefois, le dépôt d’une demande d’AMM avec une seule étude de II/III ne peut pas s’appliquer à n’importe quel médicament, ni à n’importe quelle pathologie. Il  faut s’inscrire dans le cadre d’un besoin médical fort et/ou remplir des critères spécifiques qui vont le plus souvent nécessiter une analyse au cas par cas. Des contraintes opérationnelles peuvent conduire d’emblée à exclure certaines pathologies pour la réalisation d’une étude de phase II/III. Il est donc indispensable d’être rompu au concept du design adaptatif et à ses méthodologies associées. Les modifications apportées à l’étude reposant sur les analyses intermédiaires, l’ensemble des outils mis en œuvre à ce stade, notamment les outils statistiques, doivent être particulièrement solides et supposent aussi la conjonction d’un faisceau d’expertises pointues  A ce niveau, il faut conjuguer efficacité opérationnelle, observance réglementaire et maîtrise d’une large palette d’outils informatiques, de méthodologies et d’outils statistiques. C’est dans cette optique que Cardinal Systems a pris le parti depuis sa création en 1996 d’investir dans la formation et dans l’acquisition constante de nouvelles méthodologies et d’outils informatiques adaptés, ce qui nous permet de conforter notre position et notre avance dans le design adaptatif.

Quelle est la perception du design adaptatif dans le monde industriel ?

Les résultats de l’enquête 2012 du groupe de travail de la DIA (Drug Information Association) montrent une progression de l’intérêt pour le design adaptatif au sein du monde industriel et du monde académique (1). On observe à la fois une augmentation significative du nombre d’études ayant recours à ce type d’études et une prise en compte croissante de l’intérêt du design adaptatif. Alors que la DIA recense 475 études conçues avec un design adaptatif, 72 % des organisations ayant répondu à l’enquête ont mis en place un groupe de travail dédié dans leur structure. Mais surtout, on remarque une augmentation du nombre de médicaments dont le dossier de demande d’AMM inclut des études avec un design adaptatif. L’enquête en recense sept dont quatre ont d’ores et déjà été autorisés, le dernier en date étant Hemangiol® (UE)/Hemangeol® (USA) (propranolol) des laboratoires Pierre Fabre Dermatologie pour le traitement des hémangiomes infantiles prolifératifs (2). Il s’agit là d’un cas illustrant bien l’apport du design adaptatif au développement pharmaceutique. Alors que l’indication visée concerne des populations de patients particulièrement « sensibles » et fragiles, l’étude de phase II/III élaborée et réalisée avec la CRO Cardinal Systems a pu être mise en place dans seize pays auprès de 460 nourrissons de moins de six mois. Il s’est ainsi écoulé moins de trois ans (34 mois) entre le recrutement du premier patient en phase II/III et la prémière présentation des résultats aux autorités américaines et européennes. Au total, le délai entre l’identification de l’effet du propranolol sur cette pathologie pédiatrique et l’AMM, qui a été obtenue mi-mars aux Etats-Unis et début mai en Europe aura été réduit à sept ans au lieu de la moyenne actuelle de dix à douze ans.

Peut-on dire que le design adaptatif convient plus particulièrement à un produit biotech ?

A priori, le design adaptatif peut s’appliquer à n’importe quel médicament, mais il ne peut pas s’appliquer à tous les produits, tout le temps. On ne peut donc pas dire qu’il soit spécifiquement adapté aux produits biotech. En revanche, il se prête particulièrement bien au « business model » des sociétés de biotechnologie. Elles interviennent le plus souvent dans le domaine des médicaments orphelins et des besoins médicaux non satisfaits, et ce, généralement avec la recherche de « rupture thérapeutique ». Ce sont donc des cas qui correspondent bien au concept du design adaptatif. Il est alors très important pour ces sociétés de vérifier avec les agences réglementaires si leur projet peut entrer dans ce cadre et ainsi pouvoir prétendre à un développement clinique plus rapide, et a priori moins onéreux. A ce stade, le soutien et l’expertise d’un consultant clinique spécialisé s’avèrent déterminants pour qualifier le projet en design adaptatif et contribuer ainsi à accélérer son développement.

(1) « Adaptive Design: Results of 2012 Survey on Perception and Use ». C Morgan et al. Therapeutic Innovation & Regulatory Science 2168479014522468, first published on February 14, 2014.

(2) Les sept médicaments en question sont l’antithrombotique cangrelor développé par The Medicines Company, l’indacatérol de Novartis, Xalacom® et Lyrica® de Pfizer, Hemangiol® de Pierre Fabre, Procysbi® de Raptor et Crofelemer de Salix Pharmaceuticals.

Lectures recommandées pour en savoir plus :

• ICH E8 – General considerations for clinical trials

• CPMP – Points to Consider on Application with 1.  Meta-Analyses ; 2. One Pivotal Study – CPMP/EWP/2330/99 May 2001

• FDA – Guidance for Industry – Providing Clinical Evidence of Effectiveness for Human Drugs and Biological Products – May 1998 – ucm078749

• CHMP – Reflection Paper on Methodological Issues in Confirmatory Clinical Trials Planned With an Adaptive Design – CHMP/EWP/2459/02 October 2008

• FDA – Guidance for Industry – Adaptive Design Clinical Trials for Drugs and Biologics – Draft Guidance – February 2010

 

Cet article est un publi-informationnel réalisé à partir de propos recueillis auprès d’Antoine Périer  et de François Aubin, respectivement pdg et directeur médical/méthodologie de la CRO Cardinal Systems.


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